mercredi 7 mars 2007

Je ne trouve pas de titre...

Les attentats meurtriers à Bagdad n'ont pas épargné la rue des libraires, la célèbre rue Al-Moutanabi, rappelant aux Irakiens le tristement célèbre incendie de la librairie de Bagdad, lors de l'invasion mongole, relève le quotidien panarabe Al-Hayat.

L'explosion d'une voiture piégée dans la vénérable rue Al-Moutanabi [fameux poète de l'époque abbasside], le dernier bastion des intellectuels à Bagdad, a ravivé chez les habitants de la capitale les souvenirs des invasions mongoles. On raconte que, il y a plusieurs siècles, les eaux de l'Euphrate s'étaient teintes d'encre ; hier, l'encre s'est mêlée au sang des 68 morts et blessés. Les bouquinistes à la recherche d'un ami ou collègue avaient souvent du mal à reconnaître les corps calcinés, d'autres se lamentaient et regrettaient le bon vieux temps. "C'est le retour de Hulagu [petit-fils de Genghis Khan]", s'exclame, en larmes, Naïm Al-Chatri, un des responsables du marché. Selon cet intellectuel sexagénaire, "ces criminels font peu de cas de la vie des innocents, mais s'en prendre aux livres est encore pire que de s'en prendre aux hommes, parce que les hommes sont mortels alors que les livres sont éternels. Ils veulent tuer la science dans ce pays. Ils ont déjà assassiné les étudiants dans les universités et, aujourd'hui, ils assassinent les livres dans la plus vieille rue du centre historique de Bagdad." Mohamed Salman cherche son frère, le propriétaire de la fameuse librairie Adnan. Il est allé dans trois hôpitaux, sans succès. "On n'arrive pas à reconnaître tous ces cadavres réduits en fragments calcinés", explique-t-il. Des pages arrachées aux livres jonchent le sol au milieu de flaques de sang. Les boutiques qui faisaient la réputation de cette rue sont consumées par les flammes. Au moment de l'attentat, il y avait foule à cet endroit, près de l'université Haidarkhana et du centre culturel irakien, cette salle créée en 2003 où intellectuels et écrivains avaient pris leurs habitudes. A l'exception du couvre-feu du vendredi, cette rue est animée tous les jours de la semaine par des intellectuels et journalistes qui viennent y acheter les livres dont ils ont besoin. Hier, cela leur a été fatal. "C'est une catastrophe", soupire Hodja Ali, le propriétaire du café Chahbandar, fréquenté par poètes, écrivains et journalistes. "Beaucoup d'amis étrangers et arabes continuaient à venir nous voir, ici", affirme-t-il. "Ils ont brisé cet endroit, qui appartient à la science, non à la violence. La rue Al-Moutanabi était la conscience qui s'oppose à la violence. Il fallait qu'elle reste en dehors des conflits." Cet attentat n'a pas seulement fauché des amis et des proches, mais il a également dévoré certaines raretés bibliographiques dans les boutiques. "Il y avait sur mes étagères des livres historiques et des ouvrages religieux qu'on ne trouve qu'à Bagdad et qui sont considérés comme fondamentaux par beaucoup d'universitaires", indique Mohamed Humaid, propriétaire d'une des librairies réputées, avant d'éclater en sanglots. Cette rue, dont les origines remontent à l'Empire abbasside, était connue pour ses librairies et ses institutions culturelles. Elle avait été fréquentée par les grands poètes irakiens et arabes, mais aussi par les orientalistes occidentaux tels que Louis Massignon (1883-1962) et Jacques Berque (1910-1995). A l'époque de l'embargo international qui avait appauvri l'Irak [de 1990 à 2003], elle s'était transformée chaque vendredi de la semaine en bourse d'échanges culturels, où des vendeurs ambulants exposaient sur le trottoir des merveilles bibliographiques.


Source : Courrier International

6 commentaires:

Anonyme a dit...

Cet article m'afflige un peu plus que je ne le suis déjà quand je pense à l'état dans lequel se trouvent ce peuple et ce pays.Mais comment peut-on espérer le respect d'un patrimoine quelqu'il soit si on n'en respecte pas d'abord les hommes qui en sont les auteurs. Et le patron du café Chahbandar est encore trop bon avec Allah ! Merci Jules de nous rappeler ce qui n'est plus qu'une banale info tant nous sommes si prompts à nous désintéresser de sujets dont on nous a matraqué les méninges quand ça servait d'autres intérêts

Jules a dit...

Moustafette: c'est triste! Ce peuple a été oublié. Chaque jour, il fait la manchette de nos journaux et nouvelles et c'est devenu banal! On parle encore du World trade center de 2001 comme si ailleurs dans le monde il n'y avait pas de tragédies aussi, sinon pires qui ont lieu quotidiennement depuis si longtemps!

Katell a dit...

Je ne sais pas qui veut détruire ce pays mais diantre il y met de l'ardeur! La culture est ce qui nous différencie de la bête sauvage...c'est ce qui fait de l'homme un être intelligent avec une grandeur d'âme. Pourquoi pulvériser ce petit supplément d'âme millénaire? Au nom de quoi? De l'obscurantisme manipulé par des intérêts économico-géo-politiques! Brrr, j'en suis bouleversée et dégoûtée. J'ai envie de crier: "Allah, lève-toi, ils sont devenus fous!"

Anonyme a dit...

La violence où qu'elle soit et d'où qu'elle vienne est intolérable. Elle est servie bien souvent au nom d'intêrets qui ne le justifient guerre.
Les hommes sont de vrais fous depuis longtemps et sûrement pour longtemps encore...

Anonyme a dit...

Je ne sais pas s'il existe des mots pour qualifier ça. Et c'est tous les jours la même chose à Bagdad...

Anonyme a dit...

Pas de titre, non, pour cet article qui m'attriste. A chaque guerre son lot de destruction de vies humaines, mais aussi une deuxième fois de tous ceux qui ont légué un patrimoine culturel inestimable.
Je n'ai pas de télé, elle m'exaspère, je ne prends justement mes infos que sur le net.