vendredi 16 octobre 2009

Les pieds sales, Edem Awumey.

Askia erre dans les rues de Paris au volant de son taxi. Une nuit, il cueille une jeune femme, Olia, qui croit reconnaître sur son visage les traits d'un homme qu'elle a photographié autrefois. Et si c'était Sidi Ben Sylla, son père ?Ce père qui a précédé Askia dans le Nord, il y a si longtemps. Ce père à qui il rêvait toutes les nuits, enfant, et dont il voudrait tant faire la connaissance.Askia continue, même à Paris, de subir la malédiction, celle qui a toujours plané sur sa famille condamnée à l'errance. De Nioro, au Sahel, chassés par la sécheresse, par la faim, parcourant les routes sous l'oeil méfiant de villageois qui ne voulaient surtout pas voir ces pieds sales s'arrêter trop longtemps.Le voyage trouvera un terme pour Askia, mais pas avant de l'avoir ramené au dépotoir des Trois-Collines, dans la ville tropicale où il s'était arrêté avec sa mère, et où il s'amusait à torturer, avec ses compagnons enfants, ces chiens qu'il n'aimait pas, surtout celui du père Lem, nommé Pontos.

Certains ont les épaules mouillées, à peine échappés de la mer, d'autres ont les pieds sales parce qu'ils courent, fuient, espèrent une terre d'asile, un lieu oùse reconstruire. Edem a su recréer un univers où au-delà du fait lui-même,au-delà de l'histoire récente de son pays, le Togo, nous retrouvons des personnages appartenant à la douleur du monde. Que ce soit en Afriqueou en Europe, des damnés de la terre errent sous l'oeil complice du romancier.Ce roman nous concerne tous parce qu'il a une portée universelle.

" C'était la raison pour laquelle il venait sur le parvis, dans l'espoir de croiser Sidi dans l'infini de sa fuite, avec ou sans le turban qui s'était sûrement usé au contact de tous les vents affrontés..."
(p.37)

Et si je commençais par vous dire ce qui m'a déçue dans ce livre? Les dialogues à sens unique, les chapitres qui sont trop entre le rêve et la réalité à mon goût, le chapitre 20: parce que jusque là j'étais bien accrochée et l'état de mélancolie trop pesante qui règne sur chaque ligne...

Mais, mais, mais, Askia, Olia, Petite-Guinée et Monsieur Ali sont ce qu'il y a de plus beau! Tous ces inconnus que l'on croisent sans jamais savoir ce qu'ils ont vécu, sans jamais se demander ce qu'ils ont bien pu traverser, c'est ce qui est le plus touchant dans ces quelques 157 pages. L'auteur a bien fait d'écrire sur Paris, la ville Lumière où les coeurs sont sombres et délaissés dans la noirceur des rues... Avoir écrit sur Montréal ou Québec aurait été bien moins crédible, car nous sommes bien loin de l'axe central que peut être la France pour ces migrants de tous les coins. N'est-ce pas à Paris où pour la première fois une Roms me tirait par la manche pour me réclamer des sous? N'est-ce pas sur le trottoir menant à Versailles que j'ai vu la plus grande concentration de Sénégalais vendant de petits objets, toujours les mêmes? N'est-ce pas à la gare de Mulhouse où deux jours de suite j'ai vu un jeune Arabe traîner dans un coin, sale et visiblement "perdu"?

Ce livre, c'est toute cette souffrance qu'on ne croise pas nécessairement en si grand nombre dans nos petites villes, mais qui font partie du décor de ces grandes villes qui font rêver... pour rien finalement. Juste pour cette prise de conscience, Awumey vaut la peine d'être lu et pour ceux qui aime les textes à double sens vous serez également servis. Finalement, c'est un livre sur la fuite qui n'a pas de bout...
Objectif PAL # 10

13 commentaires:

amanda a dit...

celui ci me tente depuis longtemps... on verra bien;)

Jules a dit...

Amanda: il gagnera peut-être un prix bientôt! :)

réjean a dit...

Il était dans la première sélection du Goncourt, mais il n'y est plus.

Mariel a dit...

Ce livre me tente bien en effet... Je l'ai repéré il y a peu.

Jules a dit...

Réjean: mais je pense qu'il est encore dans le Goncourt des lycéens...

Mariel: il y a peu d'avis en ce moment sur ce livre non?!

réjean a dit...

Vous avez raison : la sélection du Goncourt des lycéens se fait à partir de la première liste du Goncourt. Mais la compétition est très relevée. On verra.

Venise a dit...

Je n'en reviens pas de ta précision. Tu arrives à repérer le chapitre (en l'occurrence ♦ le 20) où tu as décroché. Est-ce que tu prends des notes ou c'est de mémoire ?

Jules a dit...

Réjean: Tois femmes puissantes ou Des Hommes... je dis cela sans vraiment connaître la moitié des auteurs!!

Venise: je prends rarement des notes, mais ce chapitre a été une vraie cassure, c'est donc plus facile de s'en rappeler!

liliba a dit...

Joli billet, mais ce livre ne me tente pas malgré tout...

Jules a dit...

Liliba: rien ne t'oblige et je me demande s'il est dispo en France d'ailleurs...

Karine:) a dit...

Je l'avais repéré mais je pense que c'est le premier billet dessus que je remarque... curieuse je suis même si ce fameux chapitre 20 me fait un peu peur!

Jules a dit...

karine: non c'est juste qu'il vient casser le rythme du réel, je suis trop pragmatique pour penser que quelque chose comme ça aurait pu se produire. En tout cas, si tu le lis tu verras!

Malice a dit...

Je viens de le terminer (billet en préparation). C'est exact ce fameux chapitre 20 et assez étrange !