jeudi 3 juillet 2014

La petite reine de Bahia, Alejandro Reyes.

À tout juste dix ans, Maria Aparecida est d’une beauté rare, et il émane d’elle une joie de vivre contagieuse qui séduit tous ceux qui la rencontrent. Après la mort de sa mère, elle déménage à Bahia pour gagner sa vie en vendant des cacahuètes et en cirant des chaussures. 



Un jour, elle fait la connaissance de Betinho, jeune homosexuel à peine plus âgé qu’elle. Lui aussi a été sacrément cabossé par la vie. Il sera le frère, l’ami, l’allié de la petite fille. Le jour où un flic véreux décide que Maria Aparecida est en âge de se prostituer pour des touristes étrangers, les deux gamins décident de s’enfuir. 



Magnifique mélodrame inspiré d’une histoire vraie, La petite reine de Bahia est le récit âpre et dur d’une amitié indestructible qui éclôt au milieu du chaos. Maria et Betinho, ces oubliés de la vie qui transitent dans les bas-fonds de Salvador, incarnent ce Brésil mystérieux, sensuel, misérable et insouciant à la fois. 

Époustouflant!  L'Homme est fort, il peut supporter presque quotidiennement les pires humiliations et encore aspirer à de petits bonheurs...

Le Brésil dépeint par Alejandro Reyes est à des milliers de kilomètres des belles plages au sable fin et du carnaval où la musique, la samba et les costumes colorent les nuits chaudes d'un pays aux paysages de rêve.

"...toute une vie à être considéré et traité comme de la merde, parce que pédé, enfant des rues, travesti, un insecte qu'il faut écrabouiller, un déchet bon à jeter." (p.389)

Les mots de ce roman expriment énormément de violence sans être trop explicites.  Il n'aurait pas été nécessaire d'en ajouter car toute la souffrance de Maria Aparecida et Betinho transperce chaque page du roman! Élevés à la dur, ils se sont connus au travers des cafards, des rats, des mécréants et des pires atrocités que la terre a malheureusement à offrir.  Ils ont fait un bout de chemin ensemble partageant un peu de joie entre les passes, le vol à l'étalage et la vente de petites objets aux touristes pour survivre. Leurs chemins en ont croisé d'autres, mais jamais pour améliorer leur sort.  Maria Aparecida et Betinho se sont aussi perdus pendant un bon moment, cherchant l'amour pour ne trouver que la trahison, cherchant la lumière pour ne trouver que des coins encore plus sombres...  Ce sont des histoires tristes inspirées de vraies personnes et c'est ce qui est encore plus désolant.

Non, ce n'est pas un roman réjouissant, c'est un roman qui met la lumière sur ce que vivent des millions d'enfants sur cette terre!  De jeunes victimes irrécupérables parce qu'ils auront vécu, en très peu de temps, des milliers de fois ce que vous et moi ne vivrons jamais!

La seule chose que je déplore de ce roman, c'est la traduction avec les expressions tirées du jargon français qui ont parfois suscité quelque interrogations chez moi...  Je peux comprendre que dans certains cas, les mots choisis servent à exprimer une certaine dureté ou telle réalité, mais le lecteur québécois moyen qui n'a pas l'habitude éprouvera quelques difficultés.  "Je te chope"  Quelqu'un peut m'expliquer?

Outre cela, c'est un roman à lire pour ne pas rester indifférent à ce monde souterrain que l'on repousse dans les favelas dans le cas du Brésil.

ISBN: 9782207117071
Parution: 05-05-2014
Trad. de l'espagnol (Mexique) par Alexandra Carrasco

5 commentaires:

Emily a dit...

Très belle chroniques ! Je pensais que ce livre n'était pas pour moi, mais je suis en train de revenir sur mon opinion !

Jules a dit...

Emily: il faut être prêt à voir une réalité qu'on ne connaît pas nécessairement dans notre quartier!

Alex Mot-à-Mots a dit...

Un roman d'actualité.

Jules a dit...

Alex: oui et pas juste au Brésil! :(

Praline a dit...

"Je te chope" c'est "je t'attrape" ou "je te séduis" voire "je te baise". Oui, c'est un peu vulgaire ! Pas sûre d'avoir envie de tant de malheur dans mes prochaines lectures.