samedi 3 septembre 2016

Nora Webster, Colm Tóibín.

Irlande, fin des années 1960. Nora vient de perdre son mari. Entre hébétude et chagrin, elle fait face à la nécessité en reprenant un emploi, vend la maison de vacances sur la côte, tente d’aider ses quatre enfants qui se débattent avec leur deuil. Puis, très lentement, elle se laisse gagner par un sentiment nouveau : être veuve, c’est goûter à la liberté. Sous les regards critiques de la petite ville où elle a toujours vécu, elle prend des cours de chant, s’achète une chaîne stéréo et passe ses rares moments de liberté à écouter des disques. La profondeur des émotions que soulèvent en elle la musique s’accorde au lent réveil de sa sensibilité et de sa personnalité. Au début, ce sont de toutes petites choses, mais sous cette apparente inertie, que de bouleversements ! Elle se découvre des forces qu’elle ignorait, se rapproche de ses enfants et s’impose tant au travail qu’auprès des commères qui l’observent. Pas à pas et sans éclat, elle conquiert son autonomie, tandis qu’autour d’elle la société irlandaise ébauche sa mutation : le mouvement pour les droits civiques en Irlande du Nord se développe dans la violence, et le rôle que devrait adopter la république irlandaise face au conflit est sévèrement débattu dans les familles.

 L’un des romans les plus émouvants et les plus aboutis de Colm Tóibín : « Les phrases porteuses d’informations ne m’intéressent pas. Ce sont celles qui renferment de l’émotion qui m’intéressent. Plutôt que de raconter une histoire, je cherche à heurter le système nerveux émotionnel du lecteur à travers le rythme. Il faut contenir l’émotion, la relâcher, la contenir, la relâcher. »

Nora Webster se retrouve veuve dans la quarantaine avec quatre enfants à sa charge.  Même si son mariage semble avoir été heureux, elle profite de sa nouvelle liberté pour élargir ses horizons.  C’est un roman sur l’émancipation d’une femme qui s’est trop longtemps consacrée exclusivement à sa famille.  Comme dans Brooklyn (et probablement dans ses autres romans que je n’ai pas lus!), l’auteur nous dresse le portrait d’une femme moderne tout juste avant son temps.  Nous sommes dans les années 60 et une telle liberté semble déranger les voisins ainsi que les abonnés à la messe du dimanche.  D’abord parce que Nora choisit de dire adieu à ses mèches grises pour aborder une nouvelle coupe et un châtain cuivré qui fait jaser!  Ensuite, parce qu’elle se découvre de nouvelles passions et n’hésite pas à mettre le nez dehors plus souvent.  Sans jamais manquer de respect à son défunt mari, elle prend carrément goût à la vie et repousse les limites de ce qu’elle a toujours connu.  Son évolution fait plaisir à voir.
 
Nora Webster est un personnage fort que j’ai beaucoup aimé.  Elle s’en sort très bien malgré une situation financière précaire et deux jeunes garçons légèrement problématiques…  On ne peut pas dire que ses deux filles ne lui procurent pas quelques soucis, mais dans l’ensemble, et avec le soutien de la famille, elle arrive à aller de l’avant.  Constamment confrontée au fait d'être monoparentale et de devoir prendre toutes les décisions seule, elle tente d'étudier toutes les possibilités et de choisir ses batailles.  C'est une femme admirable et admirée en bout de ligne...
 
Donc, un roman au rythme d’une femme qui a enfin une grande confiance en elle-même.  Un sujet abordé bien précis et quelques éléments de la culture irlandaise complètent ce roman.  Sans vouloir inclure trop de politique, Colm Tóibín effleure également le conflit nord-irlandais apparu à la fin des années 60.
 
Je ne suis pas une spécialiste de l’auteur, mais c’est une autre bonne lecture en sa compagnie pour moi.
 
Date de publication: 2 septembre 2016
Robert Laffont
ISBN: 978-2-221-15792-3

2 commentaires:

Alex Mot-à-Mots a dit...

Un auteur qu'il va falloir que je découvre.

Jules a dit...

Alex: je le te recommande chaudement pour un saut en Irlande pas très cher!